L'Adieu au visage : comment retrouver son humanité
Clara Lamaison

Pendant les premiers mois du confinement de mars 2020, le narrateur, psychiatre, est mobilisé dans l’unité en charge des soins funéraires, entre deux maraudes pour les sans-abris. De manière générale, le roman fait le récit de l’expérience collective du confinement et de la crise épidémique de Covid-19.
Note : Cet article comprend des citations issus d’une rencontre avec l’auteur David Deneufgermain organisée par “La Chouette Librairie” le 19 septembre 2025. Toutes les citations de l’auteur venant de cette rencontre sera écrit entre guillemets et en italique.
David Deneufgermain, psychiatre de profession, a commencé par écrire un journal de bord au début du confinement en 2020. Mais, comme l’explique l’auteur lui-même, il s’est rapidement retrouvé “bloqué” dans son écriture, paralysé par la réalité et tu par l’horreur de son nouveau travail.
De ce “je” autobiographique initial il s’est alors tourné vers un récit fictif, où la première personne sert d’abord de vecteur à d’autres points de vue sur le confinement. Si le narrateur est lui aussi psychiatre et partage beaucoup de points communs avec son auteur, il n’en est pas moins une excuse de médecin pour parler de ses patients.
David Deneufgermain est résolu à mettre ses lecteurs à “rude épreuve”. La pluralité de ses personnages donne déjà à voir une mémoire collective du confinement et de la pandémie. Le lecteur se retrouve de nouveau confronté aux angoisses d’une maladie inconnue et de ses propres incertitudes.
La question qu’on se pose alors est : est-ce trop tôt ?
Est-ce trop tôt pour nous de revenir sur la pandémie d’une manière aussi réaliste et crue sous la forme d’une fiction ?
L’auteur s’est justifié de ne pas avoir pris un angle journalistique en expliquant que lui-même ne parvenait pas à prendre de la distance face aux événements.
L’Adieu au visage, au titre évocateur, s’affirme alors comme un roman humaniste.
Le roman se veut un retour à une humanité perdue, retrouvée grâce à l’espace fictionel. Durant cette période où chacun vivait isolé, en particulier les personnes les plus précaires, David Deneufgermain appelle à “se réconcilier avec son humanité”. Le narrateur traverse ainsi un cycle, un processus qui mène celui-ci à embrasser cette humanité. A la manière du cycle de l’absurde de Camus, il passe de la stupeur à l’horreur, puis du déni à la révolte, et finit par accepter sa part d’humanité.
Si le procédé peut paraître un peu gros, un peu “trop”, surtout vers la fin du roman, il montre néanmoins un amour sincère de l’auteur pour les mots.
Se réconcilier avec son humanité, retrouver son empathie, briser le silence : pour David Deneufgermain, qui l’a dit explicitement, cela passe par la littérature. Dans les moments les plus morbides de la pandémie l’auteur a “volé” des expressions qu’il a pu entendre et qu’il a perçu comme de la littérature. Face au mutisme qui s’est abattu sur les soignants et les patients, L’Adieu au visage redonne aux victimes de la pandémie, par l’écriture romanesque, une voix, un visage, une histoire. Et pour sortir de la torpeur et de la peur qui le paralysaient, David Deneufgermain utilise la littérature et la fiction comme sources de courage et d’obsténité dans un monde en crise.
Ou, comme il le formule en parlant du peintre du noir Pierre Soulages, “Travailler le noir pour faire sortir la lumière”.
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L'Adieu au visage, roman de David Deneufgermain, sorti le 20 août 2025 aux éditions Marchialy, 21,10 euros
Couv : éditions Marchialy, crédits photographiques portrait de l'auteur : © Cr. Chloé Vollmer-Lo